Clément de Jonghe. 1651. Mode
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Description
Clément de Jonghe. 1651.
Belle épreuve sur vergé mince du 6e état (sur 10) (selon le New Hollstein) : le dessous de l’appui de la chaise gratté au brunissoir ; le costume hachuré de nouvelles contre-tailles sur la poitrine ; avec les deux infimes points visibles dans l’angle supérieur droit du sujet. Filigrane des Sept provinces (Ash et Fletcher n°34, A’a, 1657-1699).
En 1651, Clement de Jonghe (v. 1624 † 1677) compte parmi les plus importants éditeurs et marchands de cartes, livres et estampes d’Amsterdam. Sise au n°10 de la Kalverstraat, sa boutique propose les épreuves des meilleurs graveurs du temps : Nicolaes Berchem, Paulus Potter, Roelant Roghman, Reiner Zeeman, Cornelis et Jan Visscher, Cornelis Bloemaert, etc. Admirateur de Rembrandt, dont il éditera deux planches, le marchand collectionne assidûment ses estampes et fera également l’acquisition de 74 cuivres du maître – comme le révèle son inventaire après décès, qui constitue, de fait, le premier catalogue des eaux-fortes de Rembrandt.
Cette œuvre se distingue des autres portraits de l’artiste par la sobriété de sa mise en scène. À 45 ans, parvenu au faîte de son art, Rembrandt ne s’embarrasse plus d’anecdote. Nul élément du décor, nul accessoire, ne viennent éclairer la profession du modèle, dont l’identité est longtemps demeurée, pour cette raison, sujette à débat – certains auteurs ont ainsi proposé d’y voir le collectionneur et bourgmestre Jan Six, que Rembrandt portraitura en 1647 et 1654. La découverte récente d’une annotation de Jean Mariette au dos d’une épreuve conservée à la Pierpont Morgan Library, a permis de lever les derniers doutes et d’identifier avec quasi-certitude le marchand d’estampes hollandais.
La proximité de l’artiste avec son modèle explique sans doute le caractère enlevé de ce portrait, la franchise de trait, la simplicité naturelle de la pose. Accoudé nonchalamment à sa chaise, le regard obombré par un chapeau à larges bords, le jeune homme semble adresser au graveur un sourire de connivence. Le cadrage, inhabituel chez Rembrandt, rappelle les portraits vénitiens du XVIe siècle, mais également une planche de l’Iconographie de Van Dyck, le portrait du peintre manchot Marten Ryckaert, publié cinq ans plus tôt.
Clement de Jonghe dut se dérober à plusieurs reprises durant la séance de pose, car Rembrandt multiplia les états de cette planche. Il retravailla en particulier les yeux et les lèvres, cherchant, à la manière d’un photographe, à saisir la fugacité des expressions de son modèle. Le reste de la composition est exécuté d’une main rapide et sûre. Le jeu nerveux des hachures, composé de simples tailles et retouches de pointe sèche, suffit à donner corps aux volumes et profondeur à l’espace. Le charme pénétrant de ce portrait, l’un des plus envoûtants de l’artiste, n’a jamais cessé de fasciner les amateurs. Au bas d’une épreuve, Whistler avait écrit : « Beau comme un marbre grec – ou une toile du Tintoret ».